Acquérir et traiter les données nécessaires au maintien des réseaux souterrains d’eau, de gaz ou d’électricité est un processus coûteux et chronophage. Les Services industriels genevois ont décidé de faire appel à l’Institut d’ingénierie du territoire de la HEIG-VD pour les aider à explorer l’impact que pourraient avoir l’IA et les nouvelles technologies dans l’acquisition et le traitement des données cartographiques.
Les Services Industriels de Genève (SIG), responsable de la distribution d’eau, de gaz ou d’électricité dans le canton de Genève, sont confrontés à un défi de taille : maintenir à jour le cadastre des réseaux souterrains. Dans un processus de gouvernance des données et de veille technologique, les SIG décident d’explorer les solutions intégrant de l’IA et des nouvelles technologies, qui leur permettraient d’améliorer l’acquisition et le traitement des données du terrain. Ils vont alors faire appel à l’Institut d’ingénierie du territoire (INSIT) de la HEIG-VD pour les aider dans cette démarche. L’équipe se monte rapidement avec Fabio Mariani des SIG, le professeur Adrien Gressin de l’INSIT et s’agrandit avec la professeure Giovanna Di Marzo Serugendo de l’Université de Genève. Le professeur Gressin fait aussi appel à Claude Müller, conseiller en innovation d’Alliance, pour les soutenir dans le montage du dossier de financement du projet.
L’innovation par la photogrammétrie et l’intelligence artificielle
Pour le maintien des réseaux de distribution, les SIG procèdent sur les chantiers, à une numérisation de ces réseaux souterrains. Cette tâche, traditionnellement chronophage et coûteuse, nécessite l’intervention de géomètres sur le terrain. Les relevés se font sur les chantiers et peuvent devenir extrêmement complexes en raison de la densité des différents réseaux entremêlés. Les données acquises permettent ensuite de créer une cartographie, nécessaire au maintien et à l’évolution des réseaux. La question à l’origine du projet était de savoir s’il serait possible d’automatiser les processus, afin qu’une personne déjà présente sur le chantier récolte et reçoive l’analyse des données, et comment par extension, le métier de géomètre pourrait évoluer.
Le projet s’est déroulé en plusieurs phases. Les géomaticien·nes du cadastre des réseaux des SIG ont commencé par récolter les données nécessaires au projet et ont ainsi saisi des milliers de photos. Ce travail a permis de lancer une seconde phase, lors de laquelle le professeur Gressin de l’INSIT a traité les images 2D acquises sur le terrain pour les reconstituer en 3D. Puis, toujours au sein de l’INSIT, un algorithme d’extraction d’information en 3D a permis de reconstituer un modèle 3D labellisé. Lors de la phase suivante, le modèle 3D a été contrôlé sémantiquement par la professeure Di Marzo Segundo de l’UNIGE afin de vérifier la cohérence des objets. Enfin, la dernière phase a été de vérifier le modèle 3D sur le terrain.
Les deux principales innovations du projet résident, d’une part dans l’utilisation conjointe de l’IA et de la photogrammétrie, afin de créer un modèle 3D labellisé à partir de plusieurs images d’un même objet, sous différents angles ; un processus qui va au-delà de la simple détection d’un objet sur une image. D’autre part, l’innovation se situe aussi dans le raisonnement sémantique mis en place par l’UNIGE, c’est-à-dire la vérification que les objets ainsi obtenus respectent les règles de construction du réseau.
Le coaching d’Alliance pour obtenir un financement Innosuisse
Claude Müller, conseiller en innovation chez Alliance, a accompagné le projet dès ses débuts. Appelé par le professeur Gressin, il a apporté son soutien de la rédaction d’un premier résumé jusqu’au montage du dossier Innosuisse. Dans les différentes phases du coaching, son expertise a permis de poser les bonnes questions, d’aider à mettre en place la coordination et l’organisation des acteurs ou encore d’affiner les arguments, techniques et financiers, à mettre en avant dans le dossier. Ce dernier est finalement soumis auprès d’Innosuisse et il sera accepté.
Si Claude Müller ne nous avait pas accompagnés dans la formulation de la demande, nous n’aurions peut-être pas eu le financement Innosuisse.
Une collaboration fructueuse, amenée à se poursuivre
Le projet s’est bien déroulé et a eu de très bons résultats dans le cas des réseaux constitués de tuyaux. Le transfert de connaissances entre l’INSIT et les SIG a été effectué et ces derniers abordent actuellement la phase d’industrialisation. Cependant, si les résultats sont probants pour les tuyaux, les câbles – par lesquels passe par exemple l’éclairage public – sont moulés dans des nappes de matière, telle que du béton ou du sable, cachant certaines parties du réseau et empêchant l’analyse d’image. « Cela va probablement nous conduire à un autre projet, qui sera axé sur ce type de réseau plus spécifique », explique Fabio Mariani. De nouvelles collaborations se profilent donc entre les SIG et l’INSIT.
De plus, les outils évoluent vite et dans un processus de veille technologique, il faut se tenir au courant de ce que ces innovations apportent comme changement. Cet intérêt pour l’évolution du métier est partagé au sein des SIG, non seulement par les porteurs du projet, mais aussi par les géomaticien·nes qui ont participé à la collecte des données et ont appréhendé les transformations possibles et le futur de leur métier avec enthousiasme.
De son côté, l’INSIT a déjà automatisé le processus et ce projet ouvre de nouvelles applications et perspectives. Lors de la réalisation du projet, l’INSIT a développé ses compétences, autant sur les aspects du machine learning, que sur le déploiement et l’industrialisation. Et ils peuvent maintenant envisager ce type de traitement à l’échelle d’un territoire par exemple, afin d’être capables de mieux qualifier les données. Une collaboration fructueuse, qui aura donc aussi permis à l’institut d’affiner son expertise.
En tant que Haute École, notre rôle est aussi de travailler avec les entreprises, ce qui est très enrichissant, car ce sont de vrais problèmes de société.
Une success-story à tous les niveaux
Si le projet est une réussite du point de vue de l’innovation technologique, il l’est aussi du point de vue humain. L’entente entre les partenaires a été excellente et les trois équipes des SIG, de l’INSIT et de l’UNIGE ont progressé ensemble, développant une intelligence collective au fil des mois. « Nous avons pu compter sur les SIG pour la gestion de projet et ils ont fait confiance aux écoles pour amener leurs compétences et mettre en place les méthodes, c’était très appréciable », explique Adrien Gressin. « C’est une vraie success-story, technologique et humaine, et c’est rare », s’enthousiasme Fabio Mariani.
L’Institut d’ingénierie du territoire (INSIT) en bref
Situé à : la Haute École d’Ingénierie et de Gestion du canton de Vaud (HEIG-VD), Yverdon-les-Bains
Compétences : Géomatique, planification et développement, construction
Site Internet : heig-vd.ch/rad/instituts/insit
Les Services Industriels de Genève (SIG) en bref
Situé à : Genève
Compétences : Électricité, gaz, eau potable et eaux usées, thermique, valorisation des déchets et fibre optique
Site Internet : sig-ge.ch